lundi 14 décembre 2015

De l'art comme digestion...


Au delà d'un questionnement sur l'utilité de l'art, et sa définition, la machine à fabriquer des sculptures fécales de Wim Delvoye est une métaphore de la condition humaine.
Elle pose la question du rapport entre la nature animale de l'humanité (égalitaire entre toute) et une société qui nie, ce qui fait de tout être humain, un être organique.
Dans un monde aseptisé, qui rejette, de manière générale, tous les fluides corporels, odeurs et excréments, pourtant indispensables à la vie, la digestion est un tabou, tout en étant ultra sollicitée par la promotion du plaisir de manger.
Entre une publicité détournée de Monsieur Propre, Coca Cola et Chanel (made in China...), Cloaca, dont il existe une dizaine de version, trône comme un monstre mécanique contre nature, dans une propreté clinique, éclairée par des vitraux de cathédrale, composés de radiographies de tubes digestifs.
Entre sacralité et scandale, art et science, Wim Delvoye propose donc une oeuvre dont la portée existentialiste est plus riche, complexe et variée qu'il n'y parait.





D'un point de vue artistique notamment, elle s'inscrit dans une tradition scatologique de l'art, qui ne manque jamais de faire polémique.
Si la provocation interpelle la question de la posture de l'artiste face aux conventions, la dimension défécatoire pose la problématique du processus de création.
D'aucun pense la création comme un don venu du ciel, une grâce de Dieu, une vertu  inspirée des Muses.
Pourtant, psychanalytiquement parlant, le processus créatif s'apparente à une digestion: pétri d'intention consciente ou inconsciente, l'artiste se nourrit de son environnement, de sa culture, de son histoire, prend le temps de les digérer, afin de mettre au monde une oeuvre qui répond comme une nécessité viscérale, à son besoin de créer, intérieur et impérieux.
D'ailleurs, Wim Delvoye n'est pas le premier artiste à illustrer cette théorie par une oeuvre d'art.

Maurice Joyant, "Henri de Toulouse Lautrec chiant sur la plage de Crotoy (Picardie)", 1898 (photographies publiées sous la forme de cartes postales)

Antonio manzoni, "merda d'artista", 1961, 30 grammes d'excréments de l'artiste, vendus en boite de conserve hermétique, au prix de trente grammes d'or
He/She, Tim Nolde et Sue Webster, 2004 (tas de déchets dont les ombres portées représentent les deux artistes en train d'uriner)

Merde ou œuvre d’art ? Réflexions captées dans divers vernissages par Radio Pacoul...



jeudi 3 décembre 2015

Objet d'art en forme de machine inutile

Rube Goldberg, ingénieur de formation, était dessinateur de presse, scénariste de cinéma, romancier, inventeur, sculpteur.
Artiste prolifique, ce sont les dessins mettant en scène le professeur Lucifer Gorgonzola Butts, qui lui ont valu le plus de succès.
Dans cette série humoristique créée en 1914, Goldberg dessine les schémas annotés de machines complexes réalisant des tâches simples d'une manière particulièrement confuse.


Cliquer ici pour voir d'autres dessins de Rube Goldberg sur son site officiel

Appelées Machines de Rube Goldberg, elles ont eu jusqu'à aujourd'hui une longue postérité, notamment cinématographique (comédies, dessins animés, publicités, clips, génériques ...etc...)
En voici trois que j'apprécie particulièrement (prof d'arts plastiques oblige...)




Certains artistes ont également eu l'idée de construire ce type de machine, sans aucune réelle utilité (puisqu'elles réalisent une tâche simple d’une manière délibérément complexe) pour en faire des oeuvres d'art cinétique, dans lesquelles le mouvement est composé d'une réaction en chaine.
On peut citer "Der Lauf der Dinge" (le cours des choses) de Peter Fischli et David Weiss, film expérimental sorti en 1988 mettant en scène une de ces machines, qui rejoint ainsi celles de Duchamps ou Tinguely dans la sphère des oeuvres majeures de l'art moderne et contemporain.