dimanche 10 mai 2015

Camouflé dans le décor

Exposées depuis 1992 au Château d’Oiron, les œuvres de Claude Rutault, nommées « Définitions/méthode » sont caractérisées par une toile de forme basique peinte de la même couleur que le mur sur lequel elle est exposée.
Ce phénomène de camouflage créée une cohabitation entre l’œuvre et son support , dont l’uniformité interroge le spectateur sur la réelle nature de l’œuvre, qui dépasse les notions de représentation habituelles ( figuration d'un élément, abstraction du réel...).

Claude Rutault –Salle des plates peintures, œuvre du corpus « Définitions/méthode » (1992) 
–Château D'Oiron, chambre du roi

Proche du groupe artistique «  Support/Surface » Rutault reprends à sa manière leur manifeste : « L’objet de la peinture, les tableaux exposés n’offrent point d’échappatoire, car la surface, par les ruptures de formes et de couleurs qui y sont opérées, interdit les projections mentales ou les divagations oniriques du spectateur.  Il ne s’agit pas de la recherche d’une pureté originelle, mais de la simple mise à nu des éléments picturaux, d’où la neutralité des œuvres présentées ».


Kasimir Malevitch – Carré Blanc sur Fond Blanc (1918)
 – Musée d'Art Moderne NY
Rutault évacue alors la subjectivité du geste de l’artiste au profit de l’indépendance de l’œuvre, contrainte par son seul environnement. Cette démarche extrême de neutralité , renouvelant les codes artistiques du monochrome, dépasse celle de Malevitch.
Par exemple, Carré Blanc sur Fond Blanc reflète une démarche radicale entre l'absence totale de figuration et d'abstraction, où l'artiste privilégie ainsi la matière, le format et le support de l’œuvre

Bérénice Richard. 1L






Par ailleurs, la sobriété de l’œuvre de Rutault, installée dans "la chambre du roi" pourrait sembler en apparente opposition avec l'abondance des décors d'origine.
Cependant, cette rupture  n'est pas dénuée de sens et s'articule avec l'architecture de manière inattendue.
Par la similitude  stylistique que ces décors entretiennent avec les décors de la salle voisine, le "cabinet des muses", le spectateur trouve une certaine continuité entre les deux espaces.
Or, cette continuité est plus grande qu'il le croit, puisque là encore, la peinture joue au camouflage avec les murs, et dissimule une porte dérobée, qui dessert un espace caché et commun aux deux salles.

Salle des muses
 
Chambre du roi






















Mise à nu et surabondance décorative s'opposent et se rejoignent alors dans un même questionnement sur la peinture, comprise, quelle qu’en soit la définition, comme un artifice, une illusion, qui interroge les relations entre l'espace du spectateur et l'espace architectural.